SUR LA ROUTE D'ACCRA
Le grand car plus fier qu'un Tro-Tro,
Le toit bondé de sacs et de ballots,
Sous un banal soleil roule tranquillement,
Goudron troué, routes sableuses se succédant.
Ballottés à son bord, il nous achemine
Sous sermons divins d'un prêcheur à la ligne
Qui somnole désormais sur un siège,
A l'étroit dans son classique costume beige.
Derrière lui, femmes et fillettes
En boubous de toutes beautés
Déclament des listes d'emplettes
En ce jour de fête, de marché.
Bien lové dans son cocon de flanelle
Un marmot marmotte sur l'épaule maternelle.
Un vieil homme aux rides malicieuses
Répond par grimaces à sa moue boudeuse.
Devant moi un couple de touristes rougis,
Main dans la main sur leur sac assoupi ;
Un colossal gaillard en habit de Tom Sawyer,
Un étudiant maigrichon endimanché rappeur.
Des passagers du fond gronde une clameur :
Du haut de sa chevelure tressée en couleurs,
Une starlette, gestuelle ajustée, monte le ton
Contre une mégère mal défrisée du chignon !
L'approche de la ville bouchonne les esprits,
La circulation piétine ; dehors s'amasse aussitôt
Une foule de mains levées vers les vitres salies
Pour nous vendre beignets, maïs ou cocos.
Au loin se dessine une traînée fugace,
La trace nuageuse d'une aérienne caravelle.
Etrangère au royaume de la grâce,
Elle cache ses ailes dans le bleu blanc ciel.